Peut-on dézoner des parcelles qui sont déjà construites?

Pour remplir les exigences de la LAT révisée, notre commune (600 habitants) doit redimensionner sa zone à bâtir dans le cadre de la révision de son plan d’affectation. A cette fin, il est notamment prévu de dézoner plusieurs parcelles situées en périphérie du milieu bâti. Or, une de ces parcelles est déjà construite. Peut-elle tout de même être affectée à la zone agricole? Et si oui, qu’en est-il d’une éventuelle indemnisation du propriétaire?

À la rubrique «Vous demandez – Nous répondons», les juristes d’EspaceSuisse répondent à des questions relevant du droit suisse de l’aménagement du territoire. Voici la réponse à la question posée ci-dessus:

De manière générale, il n’existe pas de droit à maintenir un terrain déjà construit en zone à bâtir. En effet, lors d’une révision d’un plan d’affectation, toutes les zones à bâtir nouvelles et existantes, y compris celles qui sont déjà construites, doivent remplir les conditions de l’art. 15 LAT. Dans le cas que vous nous soumettez, le maintien en zone à bâtir de la parcelle déjà construite ne semble pas se justifier du point de vue de l’aménagement du territoire. La parcelle, longue et étroite, dépasse dans la zone agricole et accueille une maison d’habitation à son extrémité du côté de la zone agricole, à l’extérieur du territoire à urbaniser. Par ailleurs, vu la taille du village, le fait que le terrain soit équipé et situé à proximité du cœur du village ne saurait être décisif. La commune dispose d’une marge d’appréciation importante dans l’élaboration de sa stratégie de redimensionnement. Mais il est important qu’elle puisse démontrer dans son rapport d’aménagement qu’elle a effectué une pesée complète des intérêts en présence.

A l’entrée en vigueur du nouveau plan d’affectation conforme à la LAT, la villa existante se retrouverait non conforme aux règles de la zone. Ceci n’est cependant pas proscrit par le Tribunal fédéral, qui précise même qu’avec la nécessité actuelle, pour de nombreuses collectivités publiques, de réduire les surfaces affectées en zone à bâtir (art. 15 al. 2 LAT), une telle situation peut régulièrement se présenter (cf. arrêt TF Mathod, consid. 2.2.1).

Quant à la question d’une éventuelle indemnisation, il convient de relever que la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d’expropriation matérielle pose des conditions strictes. De plus, pour autant qu’une indemnisation soit due dans le cas d’espèce, elle serait relativement modeste. En effet, dans l’évaluation du préjudice économique subi, on tiendra compte du fait que la parcelle est déjà construite et que le propriétaire bénéficiera de la garantie étendue de la situation acquise (art. 24c LAT). Il pourra en effet non seulement entretenir son bâtiment, mais également le rénover, le transformer, l’agrandir avec mesure (à certaines conditions) ainsi que le démolir volontairement et le reconstruire (à certaines conditions aussi). 

Source: Inforum 3/2020

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