Conception directrice territoriale pour les communes: piloter au lieu de se laisser porter

Heidi Haag, ancienne responsable du conseil en aménagement EspaceSuisse
Jeudi, 25.08.2022
Pourquoi les villages des régions rurales et les communes de montagne ont-ils tout intérêt à élaborer une conception directrice territoriale ou une stratégie de développement? Et comment peuvent-ils faire en sorte que le fruit de leur travail soit effectivement mis en œuvre et ne finisse pas au fond d’un tiroir? Un plaidoyer pour une stratégie territoriale intelligente!
La Sarraz VD. (Photo: Alain Beuret, EspaceSuisse)

Que ce soit dans les zones urbaines ou les zones rurales et périphériques, le développement territorial porte largement l’empreinte des investisseurs et des particuliers désireux de construire. L’influence exercée par les communes dans ce domaine varie considérablement. En maints endroits, les petites communes ont plutôt tendance à se laisser porter par le flux des événements. Il est donc temps qu’elles reprennent la barre, comme l’exprime une conseillère communale d’une petite commune bernoise: «Dans le passé, nous mettions, en tant que commune, tout en œuvre pour permettre aux particuliers désireux de construire de concrétiser leurs intentions. Or, c’est l’inverse qui devrait se produire: c’est à nous, en tant que commune, d’imaginer la direction dans laquelle nous aimerions nous développer. Et quand un maître d’ouvrage se présente avec une idée, nous voyons comment elle cadre avec notre stratégie.»

Ces propos rappellent que le développement local ne saurait être la somme fortuite d’une multitude de décisions et projets individuels. Le principe d’une vision globale et coordonnée et d’un pilotage actif du développement à venir vaut aussi pour les communes rurales. De plus, beaucoup de villages se caractérisent par une culture du bâti traditionnelle et des sites construits largement intacts, ce qui peut aussi être précieux sur le plan touristique. Une stratégie territoriale prévoyante aide à éviter des interventions irréversibles qu’il faudrait réaliser en raison de contraintes soi-disant inéluctables.

Le développement vers l’intérieur ne concerne pas seulement les agglomérations
Depuis la révision de la loi sur l’aménagement du territoire, entrée en vigueur en 2014, la surface bâtie ne peut plus s’étendre continuellement. Aujourd’hui, les plans directeurs cantonaux exigent de toutes les communes une réflexion approfondie sur leurs réserves de terrains constructibles et un développement vers l’intérieur de qualité réalisé au bon endroit. Les communes doivent créer un milieu bâti de qualité, par exemple en exigeant une culture du bâti de haut niveau ou des espaces libres et des lieux de rencontre végétalisés, aménager des chemins pour les piétons et des voies cyclables et préserver l’identité.

Le processus d’élaboration d’une conception directrice exige que l’ensemble des autorités communales analysent en détail la situation de leur commune – ses forces et ses faiblesses, mais aussi les risques et les chances. Ce processus est aussi l’occasion de traiter de questions stratégiques importantes, loin de la fébrilité des affaires quotidiennes, et de considérer les interdépendances qui existent entre les décisions territoriales, économiques, sociétales ou écologiques.

Les nombreuses fusions de communes rurales, parfois à l’échelle de vallées entières, sont un autre argument en faveur de la conception directrice. La fusion est une étape déterminante pour chaque village concerné et exige une discussion d’ensemble sur les fonctions que chaque membre de la nouvelle entité aura à assumer. L’élaboration d’une conception directrice territoriale est le cadre idéal pour mener une telle discussion. Elle favorise la transparence, facilite certaines compensations territoriales et crée les bases des futures décisions territoriales de la nouvelle commune.

Qu’est-ce qu’une conception directrice du développement territorial?
La conception directrice du développement territorial est un instrument de planification informel. À noter que différents appellations coexistent pour le désigner: image directrice, schéma directeur ou encore lignes directrices pour le développement territorial. Dans tous les cas, il s’agit aujourd’hui d’une base essentielle à la révision de la planification d’affectation. La conception directrice – à l’instar du plan directeur communal – traite de tous les thèmes à incidence territoriale comme l’habitat, le travail, la circulation, les espaces verts, le paysage ou encore le tourisme. En ce sens, la conception directrice est aussi un instrument de coordination. Elle permet de détecter à temps les conflits d’occupation du territoire et, face à la multiplication des tâches quotidiennes à accomplir, aide à ne pas perdre de vue l’objectif.

Pour la majorité de la population, l’aménagement du territoire reste une matière abstraite. En tant que moyen de communication, une conception directrice porteuse d’une stratégie simple et compréhensible ou d’une vision explicite peut aider à illustrer les évolutions à long terme. Elle permet donc aussi à la commune d’expliquer les changements nécessaires à apporter au plan d’affectation et de les replacer dans un contexte plus large. Si la conception directrice est mise au point de manière participative, qu’elle fait l’objet d’une communication ouverte et repose sur un large consensus, les communes pourront s’en servir comme instrument de pilotage stratégique à long terme.

Un large soutien favorise la mise en œuvre
La conception directrice n’est pas la «conception du Conseil communal», même si ce dernier en assure la direction. À ce titre, il mandate un bureau d’études compétent, consulte régulièrement un groupe d’experts formé de représentant-es de l’économie, de la politique et des associations et implique suffisamment tôt la population dans le processus, de façon à accroître la transparence et l’acceptation des décisions ultérieures.

La révision du plan d’affectation n’intéresse souvent qu’une petite partie de la population, à savoir celle qui est directement concernée. Par contre, lorsqu’il s’agit de discuter du futur développement du village et que les décisions n’ont pas encore toutes été prises, une réunion organisée dans la salle de gym attirera certainement un grand nombre d’habitant-es engagé-es et lié-es au village et prêt-es à faire des propositions créatrices. C’est aussi l’occasion de tisser des réseaux entre les différents acteurs, qui pourront donner naissance à des nouvelles initiatives locales. Cette manière de procéder oblige les autorités à s’ouvrir aux idées de la population et à mettre en œuvre, dans la mesure du possible, les mesures discutées.

À quoi sert une conception directrice?
L’élaboration d’une conception directrice territoriale peut aider la commune à préciser son profil, à identifier à temps les chances et les risques et à se doter d’une base qui lui permettra d’orienter ultérieurement les investissements au bon endroit. Un processus bien mené peut en outre entraîner un fort engagement local. Une commune qui se dote d’une conception directrice territoriale intelligente ne peut donc être que gagnante.

Manifestation pour les communes des régions rurales

La manifestation intitulée «Stratégies dans les régions rurales», qui se tiendra à Berne le 4 novembre prochain, permettra aux communes qui souhaitent prendre leur développement territorial en main de découvrir de bons exemples tirés de la pratique.  Cette manifestation est organisée par EspaceSuisse en collaboration avec le Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB) et l’Association des Communes Suisses.

Plus d’informations ici.

Les étapes vers la conception directrice

  1. Procéder à une analyse du lieu
  2. Formuler des idées maîtresses, des objectifs et des mesures, établir les priorités
  3. Un plan d’ensemble pour soutenir la communication

Publications d'EspaceSuisse:

le numéro de mars 2024 est disponible!